Le coworking, cette manière de travailler au coté de sociétés et d’entrepreneurs en espace dédié et animé connaît un développement fulgurant pour les auto-entrepreneurs en particulier. Cependant, son impact réel est encore faible dans le monde des entreprises ou dans les collectivités. Elles en parlent, mais peu intègrent véritablement le coworking dans ces espaces, souvent appelés tiers-lieux, dans leur approche. Quant aux salariés, ils ne le connaissent que peu ou parfois même craignent de s’y aventurer, souvent par peur de réactions négatives et « de leur absence » ainsi créée.
Mal connu, peu attractif, coût trop important pour l’entreprise le coworking? Et si nous y regardions d’un peu plus près ?

Vous vous étiez inscrit dans une espace sur une plateforme ou votre employeur l’a mis sur sa liste d’espaces recommandés. A l’entrée, vous êtes accueilli.  Ambiance de médiathèque, on chuchote dans la partie coworking, tandis que des personnes travaillent dans des bureaux fermés. A dix heures, quelques uns se retrouvent dans la cuisine et discutent projet, prospection, formation, puis retournent à leurs tâches. Il y aura plus de temps ce soir pour cet « afterwork » organisé par l’animateur.
Vous êtes chez Weréso, Startway, Coworking Now, Relais d’Entreprises pour parler de quelques réseaux nationaux ou chez Be-coworking, Mycowork, BureauLib à Paris, chez Sceaux-Smart, au 50 Coworking à Méré dans les Yvelines, chez Creative Valley au Kremlin-Bicêtre chez Casaco à Malakoff, au E-lab à Coulommiers, Au Cowork de Bussy St Georges, ou à Etincelle à Toulouse, au Loft de Rennes, et bien d’autres [1]. Vous êtes surtout dans une ambiance porteuse de travail, d’échanges créatifs et d’interactions positives, de confiance, de personnes investies. Un jour par semaine ou plus, c’est votre lieu de travail, enrichissant, créatif, calme. Vous y êtes bien, et finalement, c’est votre management qui vous incite à passer à deux jours.

Pourtant, sur environ 50 000 personnes qui pratiquent le coworking en tiers-lieux aujourd’hui, seuls quelques milliers sont des salariés d’entreprise ou de collectivités. La grande majorité est constituée d’auto-entrepreneurs, de TPE résidantes. Plusieurs freins  limitent encore l’accès des salariés et celui des agents de l’état et des collectivités locales.[2]

Des freins autant culturels que provenant de l’offre

Sans être l’alpha et l’oméga, le coworking, grâce aux usages numériques, permet à beaucoup de salariés, de sous-traitants, de projets d’être plus productifs, sans pour cela détourner l’entreprise ou la collectivité de ses objectifs et de ses valeurs. A contrario, les espaces de coworking qui émergent tiennent déjà compte des exigences de capacité et de services de ce potentiel plus important que celui de la première vague, incarnée par les auto-entrepreneurs.

Freins culturels

Avec la multiplication des environnements de travail flexibles et les aspirations des salariés devenus agiles dans la gestion de leur temps, le coworking a commencé à s’inviter dans l’organisation du travail comme solution complémentaire. Toutefois, il fait appel à un changement culturel et, dans les grandes entreprises, ce changement ne peut se faire à la même vitesse qu’un auto-entrepreneur.

Par ailleurs, la méconnaissance du milieu du coworking, son image parfois « décontractée» ou «collaborative » a pu expliquer une partie des craintes. Peut-on s’intégrer dans cette nouvelle culture et conserver sa spécificité? Quels métiers sont compatibles ? Combien de jours par semaine ?

Le télétravail résidentiel a d’abord fait office de valeur refuge, mais comme il montre ses limites, le tiers-lieu commence à séduire. Pratiquement, ses spécificités offertes en terme d’accueil, d’animation, de sécurité et d’équipements de qualité constituent des facteurs attractifs jouant dans la décision des entreprises, qui offrent la valeur ajoutée pour leurs salariés. Bonne nouvelle : les gestionnaires d’espaces les soignent : mise en relation et créativité sont l’apanage du coworking !

Si donc les freins sont de moins en moins nombreux, si l’esprit coworking devient familier, l’acculturation progressive des dirigeants et salariés permet l’intégration plus rapide de cette approche du travail. Quelques pionniers, tel que LBMG-Worklabs, ont su associer transformation de l’entreprise avec cette variable d’ajustement qu’est celle du tiers-lieu, mais elles représentent encore l’exception.

Gageons ensuite que les facteurs de diminution du stress, de limitation des transports, qu’également la responsabilité des locaux employeurs soit transférée au gestionnaire, deviennent aussi des leviers aidant à la décision de l’entreprise ou de l’administration.

Freins économiques 

Le budget est en fait un « non sujet » après essais du coworking, tant les gains sont importants pour l’utilisateur comme pour l’entreprise. On peut avoir envie de changer d’espace, mais on ne change pas la formule. Si, bien entendu, la pratique du coworking doit être gagnante en terme d’efficacité, d’interactions, de coût au m2 le frein économique est avant tout lié au manque de connaissance du milieu et aux méfiances exprimées précédemment. Ce frein s’estompe dès que l’organisation est mise en place.

Il est donc de l’intérêt de la direction de tester le coworking en tiers-lieux et, sans doute, de le préférer par rapport au télétravail à domicile dépassant la problématique du coût apparent.

Une offre encore insuffisante

La qualité et le maillage de l’offre constituent souvent les raisons les plus récurrentes concernant le manque d’engouement des entreprises. L’offre spécifique des tiers-lieux professionnels est souvent méconnue et parfois confondue avec d’autres offres telles que les centres d’affaires, les pépinières ou les incubateurs. L’activité des services peut s’apprécier à la hauteur des attentes des professionnels. Depuis quelques temps, on constate un accroissement de la qualité des espaces, reflétant ainsi l’exigence des entreprises et de celles des utilisateurs. Que cela soit en matière d’éclairage, d’insonorisation, de sécurité (accès, sécurité des données et des espaces), d’aménagement et même de confort, les nouveaux tiers-lieux se doivent d’être à la fois accueillants et professionnels !  C’est d’ailleurs cette exigence qui a amené l’introduction du Label C3, un repère pour l’entreprise ou la collectivité.

Même s’il est de plus en plus dense, le maillage des tiers-lieux reste encore insuffisant par rapport aux besoins potentiels du territoire. Une entreprise peut avoir besoin de points-relais à plusieurs endroits du territoire pour satisfaire sa demande. De même, l’aspiration de salariés et d’agents à travailler hors des villes est une tendance de fond.

Pour aller plus loin

Nous l’avons vu, c’est surtout une méconnaissance du coworking qui limite son utilisation par l’entreprise ou la collectivité. Plusieurs leviers peuvent en accélérer les développements :

Identifier clairement les espaces professionnels

Il est essentiel pour une entreprise ou une collectivité de choisir ses tiers-lieux en assurant un accueil, un environnement sécurisé, des échanges créatifs et sereins. Aujourd’hui, beaucoup de tiers-lieux l’ont compris et proposent des outils professionnels, sans pour autant perdre les valeurs du coworking : l’animation, l’esprit collaboratif, la créativité, bref, ce qui permet à un salarié de s’engager, parce qu’il se plait dans son travail.  La carte des espaces labellisés C3 peut l’y aider, que l’on retrouve aussi via la plate-forme néo-nomade.

Inciter à la réduction des transports

Le « non transport » est la meilleure des économies… pour les déplacements. Si beaucoup de gens y sont sensibilisés, leurs employeurs devraient le permettre pour elles. Aujourd’hui seuls les sites employant plus de cent personnes sont incités à réaliser un bilan carbone incluant les déplacements de leurs collaborateurs. L’ADEME, relayée par le Commissariat Général à l’Egalité des Territoires, pourrait avoir une forte incidence sur le comportement des entreprises et des collectivités dans leur motivation pour utiliser les tiers-lieux [3]. Ceci aurait un effet sur l’ensemble de la population et des territoires.

Adopter la journée (semaine) nationale du coworking

Faire connaître. Faire reconnaitre. Relayer un message national sur les tiers-lieux via les média et les institutionnels (mairies, départements, régions) au-delà des protagonistes même du coworking. Pourquoi ne pas décréter par exemple une journée annuelle du coworking qui aurait pour conséquence et avantage de mieux le faire connaître, surtout par rapport au télétravail résidentiel, qui offre des limites importantes (isolement,  manque d’interaction) ?

Aides au financement et aides fiscales

Il faut souligner que beaucoup de collectivités, de départements, de villes et même des villages aident en subvention de démarrage ou affectent un local dans des conditions préférentielles. Ou tout simplement ont aidé à leur promotion. Ces actions sont d’un précieux concours. Il faudrait que ces exemples se multiplient.

En outre, la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ne prend pas en compte le télétravail de façon générale. Si les entreprises et les collectivités payaient cette taxe dans le territoire où leurs employés et leurs agents sont en télétravail, cela permettrait au territoire dans lequel ils vivent de bénéficier de son produit et les inciterait à investir dans des espaces de télétravail.

Conclusion

Le coworking exercé dans les tiers-lieux est une tendance de fond et non une mode. Il est rentré dans sa seconde phase, celle d’une offre qui, au-delà des indépendants, s’ouvre aux entreprises, qu’elles soient privées ou publiques. Pour répondre aux besoins, les tiers-lieux doivent se multiplier en nombre et en qualité, dans le maillage des territoires. Outre un gain en efficacité et en productivité dans leur mission, les externalités positives du tiers-lieu sont d’offrir à leurs utilisateurs une réduction des transports, et donc, une amélioration de leur qualité de vie.

En France, le coworking prend sa place pour devenir un véritable instrument de développement des entreprises, des collectivités. Et, pour leurs employés, une façon de se réaliser dans leur travail équilibrante pour toutes les parties. Ces évolutions continueront à influencer le milieu du travail en général.

Le coworking en tiers-lieux est également un axe important du développement durable dans les trois dimensions qui le composent : humaine, économique, environnementale.

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@neo-nomade @actipole21 @missioncoworking @cget

Par Christian Ollivry, Président du Réseau Actipole21

[1] Plus d’une centaine de tiers-lieux qui sont satisfont les exigences du Label C3 : https://coworkinfrance.org/les-labellises-c3/

[2] Environ 25 millions d’emplois en 2017. On peut estimer que 40% de ces emplois sont tertiaires, ouverts à la possibilité de délocalisation au moins partielle, soit environ 10 millions. 1000 espaces avec une moyenne de 15 places occupées par espace = 15 000 travailleurs en espaces à un instant T . Si occupées 1/3 du temps (auto-entrepreneur, salarié, etc.) ce sont environ, 50 000 personnes, soit 0,5% de la population active éligible (10 millions).

[3] ADEME – Lancement de l’appel à manifestation d’intérêt « French Mobility »  (ouvert jusqu’au 15 juin 2018).

 

A propos d’Actipole21

Actipole21 a été créée en 2009 pour développer le coworking, fédérer et mailler les tiers-lieux offrant une qualité de service professionnelle. Elle est intervenue en amont pour sensibilité le secrétariat à l’industrie numérique, la Caisse des Dépôts dès 2010, ou accompagner des projets locaux. En 2015, elle a introduit le Label C3, qui certifie les tiers-lieux validant un accueil, une animation, un environnement sécurisé et une gouvernance de qualité professionnelle. En donnant à l’entreprise et/ou à l’auto-entrepreneur une vision rassurante et attractive du coworking et des tiers-lieux, du plaisir à s’y investir, en soulignant ses externalités positives. Que l’espace soit grand ou petit, urbain ou rural, le Label C3 accroît et valorise l’attrait global de tous les espaces habilités à recevoir des professionnels. L’association labellisera 200 espaces cette année et 400 d’ici 2019. La carte des espaces labellisés est visible sur neo-nomade.com ou sur le site de l’association.

 

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